Paris (AAP) - S'il vous prend l'envie de faire un peu de pêche au large des côtes angloyses, vous pourriez avoir quelques surprises. A défaut de prendre de jolies morues dans vos filets, vous croiserez sans doute des représentants de l'Amirauté royale, et vous aurez peut-être la chance de remonter un butin venu tout droit des caisses ducales normandes et quelques débris de navire. Vous en aurez manqué de peu le capitaine, qui se sèche du côté de Honfleur, avec un statut de pirate et un procès sur le dos. Au milieu de ce tumulte, si vous tendez bien l'oreille, il se peut que les vagues, les dauphins ou les canards vous murmurent « C'est la faute à l'Anjou ! ».
Comment en est-on arrivés là ?
Présentons d'abord nos protagonistes. A bâbord, sur le banc des accusés et des pirates, Hrolf, Duc de Normandie, et sa femme Skalotte. A tribord, du côté de la Couronne et de l'Amirauté, nous avons Merer, Grand Amiral de France, et surtout Aelys de Valreas, Grande Intendante de la marine royale, ainsi que son époux Tazpiske Gardenia, vice-amiral.
Premier acte.
Hrolf est duc de Normandie. Tout se passe pour le mieux, c'est son deuxième mandat. Quelques ombres au tableau cependant : il veut faire des réformes qui déplaisent, et il se sent pris au piège d'un immobilisme structurel, incarné par des « dizaines d'articles imbuvables », et l'appartenance du Duché au Domaine Royal, avec lequel il a de moins en moins d'affinités.
De leur côté, Aelys et Tazpiske sont en vacances. Ils sont partis de Vienne où ils se sont investis dans leur conseil ducal pendant longtemps, et ils voguent gaiement depuis deux mois environ, dans l'idée de visiter les côtes angloyses. Sur le chemin, ils font des petits repérages en Méditerranée pour la marine royale, ils escortent un navire marchand en Angleterre, font escale en Ecosse et mettent cap sur l'Irlande.
Deuxième acte.
La tension monte en Normandie. Hrolf flaire un renversement : selon lui, on veut le remplacer par Gwenn Hoel, qui a obtenu depuis le statut de Protectrice de Normandie. Surtout, la campagne pour les élections royales bat son plein. « Les élections royales m’ont ouvert les yeux et m’ont fait découvrir la duchesse d’Anjou, sa liberté d’action sans le carcan des cléricalo-royalistes qui ne pensent qu’à accumuler des titres et autres pensions d’invalidité neuronale », nous confie Hrolf. Si vous avez oublié de qui il s'agit, Nerys est actuellement candidate aux royales, bien que l'Anjou ait proclamé son indépendance il y a des années ; elle porte un message anti-royaliste, opposé à de nombreuses institutions, et elle est également la mère du régicide qui a entraîné ces élections.
Aelys et Tazpiske voguent toujours gaiement, mais plus pour longtemps. En effet, voilà ce que raconte une annonce de Gwenn Hoel publiée en Normandie : « Après des semaines de tensions entre l'Echiquier et le Duc de Normandie, des propos antiroyalistes et séditieux tenus par icelui sur les différents stands des candidats au trône royal, et finalement un mutisme inquiétant d'icelui au Conseil Ducal ces derniers jours, l'inquiétude s'empara de l'ensemble des Conseillers Ducaux lorsqu'il fut remarqué que le poste de bailli n'était plus pourvu. Après consultation des rapports de la prévôté et de l'amirauté, l'inquiétude se changea en sidération lorsque le maréchal de Honfleur signala des allées et venues du Duc de Normandie Hrolf ainsi que de sa compagne Skalotte qui semblaient vouloir se dissimuler à ses yeux, et qu'il fut constaté que le navire personnel du Duc, le Naglfar, manquait à l'appel. »
C'est confirmé, Hrolf et sa femme se sont enfuis sur leur navire !
Troisième acte.
Dans leurs caisses, une somme à faire tourner les têtes, qui s'écrit avec cinq chiffres. Hrolf nous raconte : « J’ai donc décidé de protéger le trésor normand de ces manges miettes qui veulent faire de la Normandie une terre pour les béni ouioui, les ordres, les curés et autres [flatteurs]. Alors j’ai proposé un exercice à mon épouse pour lui faire découvrir un nouveau poste [bailli, ndlr], celui de me faire un gros mandat, de 99 999 écus exactement, je n’ai pu en récupérer que 45 600 car j’étais pressé par le temps et la marée à Honfleur. » C'était le 20 septembre.
Le vol confirmé, les Normands du conseil donnèrent l'alerte auprès des autorités royales. Merer, l'Amiral de France, s'occupa de joindre les membres de l'Amirauté susceptibles d'intercepter le Naglfar. C'est ici qu'Aelys et son mari rejoignent notre histoire. L'Intendante nous écrit : « Nous nous sommes aussitôt détournés de notre destination pour nous mettre en chasse, d’autant que nous n’étions pas très loin de la Normandie et que ses possibilités de fuite n’étaient pas énormes, nous l’avons très vite repéré. [...] Il a fallu un tir de semonce avant l’envoi d’un courrier de ma part le sommant de se diriger vers Honfleur afin de se rendre et de restituer ce qui appartenait au duché, sans réponse de sa part avant l’action suivante, j’ai de nouveau tiré et nous avons coulé le navire. »
Quatrième acte.
« Je suis donc allé voir les petits poissons pour ensuite me retrouver à Honfleur sans plus rien », raconte Hrolf. « J’attends ma mise en procès et ça devrait être amusant car ça sera un procès politique ou l’oligarchie normande s’en donnera à cœur joie mais vu que je n’ai plus rien et que je suis mourant je me demande quelle peine ils pourront me donner sans contrevenir eux les technocrates et les procéduriers à la charte de bonne justice. » Aelys, pour sa part, conclut avec bien plus d'optimisme : « C’est après cette action que j’ai reçu un courrier de l’ex-duc, jugeant mon action petite, je me suis contenté de lui répondre en lui disant que question petitesse je n’avais aucune leçon à recevoir d’un duc félon. C’est ainsi que j’ai pu non seulement naviguer en étant seul maitre à bord et avoir mon baptême du feu en coulant mon premier navire. » L'Amirauté se félicite de sa réactivité – il ne s'est écoulé que trois jours entre la fuite du Duc et l'envoi de son navire par le fond – et en profite pour appeler de futures recrues à la rejoindre. En attendant, ses membres s'efforcent de repêcher les richesses normandes qui, au fond de l'eau, profiteront encore moins au Duché que dans les poches de l'ancien Duc inspiré par l'indépendantisme angevin.
Le cinquième acte n'est pas encore joué. Hrolf a-t-il raison en dénonçant un procès politique ? Il remet de plus en cause le statut de pirate qu'on lui a attribué. Qu'en dit la loi ? Si l'on ouvre ce gros livre poussiéreux au nom latin que l'on appelle le Registre Lex Nautica, on peut lire que le statut de pirate est attribué à ceux qui sont reconnus coupables d'un des crimes suivants : vol d’un navire Royal ou Allié ; attaque sur un navire Royal ou Allié ; attaque perpétrée dans les Eaux territoriales du Royaume ; entrée en force dans un port Royal ou Allié ; transport de criminels reconnus, de troupes d’invasion de sol Royal ou Allié. N'oublions cependant jamais de lire les petites lignes de bas de page, car la loi fait l'ajout suivant : « cette liste est non-exhaustive, seul l'Amiral de France et le Connétable de France peuvent ajouter à cette liste de crimes ». C'est pratique. C'est là que notre Duc normand se retrouve coincé : il a pu être, légalement, déclaré pirate en n'ayant commis aucun des crimes conditionnant habituellement le statut. On peut imaginer son sentiment là -dessus quand on connaît son opinion sur le jargon juridique et les institutions procédurières.
Laissons le mot de la fin à celle qui, finalement, est encore à l'origine de tout : l'Angevine Nerys. « L'Anjou est partout, infiltré dans toutes les institutions. Vous devriez le savoir. C'est grâce aux royales en effet que j'ai fait connaissance avec sa Grâce Normande et sa femme qui sont tous deux des âmes d'élite. Mon rôle dans l'histoire n'est que minime. Quelques encouragements tout au plus. Et même si le pillage a capoté, nos deux Normands ont dores et déjà prouvé leur angevinité et il me tarde de leur enseigner les rudiments du folklore angevin. Nul doute qu'ils se sentiront comme poissons dans l'eau comme il y a peu. »
Arnauld, pour l'AAP
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Article validé par Arnauld Cassenac, Rédacteur en Chef de la KAP France.
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