Genève (AAP) - Ô vous, pleureurs des mines appauvries et des forges silencieuses ! Ô vous, comptables des pièces d’or et des rendements, qui voyez dans les ombres des donjons non point l’éclat des épées, mais celui des chiffres froids ! Écoutez, et que vos oreilles tremblent devant cette vérité : le monde que vous voulez n’est point un royaume, mais un cimetière de parchemins.

Vous gémissez, disiez-vous, que les salaires des artisans sont trop lourds, que les coffres des provinces se vident comme des outres percées. Vous appelez à l’ordre, à la raison, à la modération comme si la modération avait jamais enfiévré le sang des héros ! Comme si les légendes s’étaient écrites entre les lignes d’un registre ! Hélas ! Vous confondez l’âme du jeu avec le cliquetis des abacs.

Mais dites-moi, messires les graves : qu’est un or sans histoire ? Qu’est une épée qui n’a jamais goûté le sang d’un ennemi juré ? Qu’est une alliance qui ne s’est jamais scellée dans le feu d’une trahison ? Vous voulez des mines qui rapportent, des marchés stables, des salaires justes… et vous obtenez un désert. Un désert peuplé de chiffres, où plus un cri de guerre ne résonne, où plus un étendard ne se déchire sous les vents de la révolte. Vous avez tué le chaos, et avec lui, la vie.

Vous parlez de stabilité comme d’un idéal, alors qu’elle n’est que la mort déguisée en vertu. Un royaume sans amours, sans haines, sans colères et sans passions est un royaume sans chants. Sans chants, point de bardes. Sans bardes, point de mémoire. Sans mémoire, point d’âme.

Alors, avant de vous aigrir sur vos tableaux de chiffres et mépriser d'un revers de main dédaigneux le monde où l'on crie, demandez-vous : voulez-vous un monde où l’on joue, ou un monde où l’on compte ? Car les joueurs, voyez-vous, fuient moins les déséquilibres que l’ennui. Et l’ennui, messires, est la seule maladie dont votre raison ne guérira jamais.

Vous accusez les hauts administrateurs du firmament d’ignorance, de négligence et de froideur mécanique, comme si les cieux eux-mêmes étaient comptables et non souffleurs de destin ! Vous gémissez sur les mines, ces entrailles de pierre, comme si le fer devait vous nourrir de rêve et de gloire, et non vos propres actions, vos guerres, vos intrigues, vos respirations de grandeur.

Qu’est-ce donc que ces royaumes, sinon un théâtre où l’on se bat pour écrire son nom dans le sang et la chanson ? Et que faites-vous, sinon compter vos pièces comme des usuriers frileux, mesurant votre honneur à la sueur des mineurs, et non à votre audace dans le fracas des armes ?

Vous dites : « Le prestige n’a plus de sens ! » Je vous réponds : le prestige dort, parce que vous avez renoncé à l’éveiller. Un royaume sans bourrasques est un cimetière de comptes. Une mine sans rivalité n’est qu’un tas de cailloux.

Oyez ceci, vous, comptables du désespoir : Celui qui se lamente que le jeu ne lui rapporte point assez n’est point joueur, mais créancier. Et celui qui s’enflamme pour de folles aventures, même perdu et ruiné, celui-là est prince parmi les hommes.

Cessez vos lamentations sur le salaire du mineur et le prix du pot de peinture. Relevez vos bannières, rallumez les feux de guerre, intriguez, complotez, volez les trônes ! Ce n’est point aux administrateurs du Ciel de vous divertir, c’est à vous de faire vivre la légende.

Car si vous persistez à vouloir que les cieux règlent les mines et que les rois fixent les salaires à l’unisson, vous ne méritez point le nom de joueurs, mais celui de scribes tristes, voués à compter les ombres jusqu’à la fin du monde. Qu’il soit dit : L’ennui ne vient point d’en haut, il naît dans les cœurs qui ont oublié de rêver.

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Depp Dummchopf dit Dédé, pour l'AAP agence des terres au Milieu

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