Genève (AAP) — 9 février 1473. funeste nuit qui vit la mer s’ouvrir pour engloutir les espoirs d’un royaume ! Telles les Parques tranchant le fil du destin, de Dieppe à Avranches, les escadres d’Irlande, ombres impitoyables nées des vagues, se sont abattues sur la Normandie, ne laissant derrière elles que bois brisé et âmes égarées.

Le vent portait déjà l’écho des lamentations de Guyenne, où, il y a peu, Bordeaux, Blaye et Bazas pleuraient les nefs disparues, quand voici que la mer, avide d’un nouveau tribut, s’est réveillée sous le fracas du fer et du feu. Dix navires, jadis fiers et parés de mille promesses, ont sombré dans l’abîme, leurs capitaines laissés sidérés par la merci des flots, leurs équipages livrés au silence cruel des quais vides.

Ainsi s’effacèrent la Vae Soli, que menait la Capitaine Valentina, et la Renovatio, qui vogua sous la main de Matouminou. La Gnausecours, v’la les gnous, frêle foncet du capitaine Sinbad, n’eut point de salut. L’Arcadia d’Istaroz, fière nave génoise, s’effondra sous les coups du destin. La Vice Versa et T&M Seine, que gouvernait Messire Claude, se virent prises au piège des flots. Le Blacksheep d’Antonin de Lacoste, cogue marchande aux flancs battus par les vagues, sombra sans espoir. La Boussole d’Aragorn, naguère guide en ces eaux, perdit son étoile. La Carmbeli’s de Gothazz et la Ddraig y Mor de Sebastian, pauvres barges sans défense, furent jetées dans le gouffre marin.

Mais hélas, l’ire d’Irlande ne s’apaisa point là, et ce qui pouvait être sauvé fut livré à la cendre et aux cendres. Le feu dévora les chantiers, la mer s’empara de ce qui fut promis au renouveau. L'Osiris, le fier vaisseau de Sinbad, trouva sa fin avant de pouvoir voguer à nouveau. Le Lexovii, le Faucon des Mers II, l’Étoile des Neiges II, tous trois naves génoises confiées à Fred109, Tatou de la Calonne et Gaugericus, virent leurs coques s’effondrer en un craquement funeste. Mais le coup le plus cruel, la blessure qui saigna jusqu’au cœur du royaume, fut la perte de la caraque de guerre Azharr Forever. Ce vaisseau, qui portait le nom du Roi défunt, s’abîma sous l’assaut d’ennemis sans honneur, et avec lui sombre un symbole, une mémoire, une promesse, un règne.

Les vents murmurent déjà cette tragédie aux oreilles du peuple. Les quais sont en deuil, et les hommes, que la tempête a laissés vivants, errent comme des spectres, portant le poids du naufrage en leur âme. La mer, indifférente à la peine des hommes, s’étend à perte de vue, gardienne silencieuse des corps et des rêves qu’elle a pris.

À relire : les mâts brisés de Guyenne
À relire : le bouillon de Gibraltar
À relire : À l'ouest, caprices d’Éole et fortunes de mer
À relire : La filière bois navigue vers un âge d’or grâce à l’escalade


Guillaume Remuepoire pour l'AAP agence des terres au Milieu.

Pour réclamer un droit de réponse - la KAP internationale