
Chambéry (AAP) - Pour sa première édition, le Gotha lotharingien, premier dictionnaire biographique en langue vulgaire, vous invite à découvrir la vie de Tobias Maxence du Bois de Cendrecourt Challand, actuel régnant francophone à la plus grande longévité.
Presque inconnu il y a un an et demi dans l’ancienne Lotharingie, l’actuel duc de Savoie n’est pourtant pas un étranger. Fils de Thomas Sauveur de Talleyrand Cheroy, ancien duc de Lorraine, lui-même d’origine artésienne et savoyarde, et de Estelle Caroline d’Ambroise, au pedigree inconnu, l’homme naît le 20 septembre 1448. Sage comme une image, il reçoit une éducation digne de son rang dans une enfance marquée par le règne de son père, un temps duc de Lorraine alors que le jeune Tobias accédait à la majorité et découvrait les plaisirs de la vie d’adulte. Si tout le destinait à embrasser une carrière publique en Lorraine à ce moment-là , le désaveu de son père par la noblesse locale lui aura appris une leçon utile : les peuples sont ingrats envers leurs dirigeants.
L’éducation politique française d’un enfant prodige d’Empire
C’est donc en Bourgogne que Tobias fait ses premières armes auprès du prince Charlemagne, un proche de son père qui le nomme chancelier de sa curie princière en 1465. Le poste est un véritable tremplin pour celui que des bizarreries héraldiques empêchent de porter le nom de son père, qui devient rapidement prévôt de Bourgogne d’avril à septembre 65, tout en s’intéressant à la vie de son diocèse. Son attrait pour la religion ne le pousse pas pour autant à prendre les ordres : bien au contraire, ce beau parti au regard bleu perçant est donné un temps promis à une baronne locale, la discrète Yselda alors que, déjà , quelques langues le disent plus attiré par ses frères que ses sœurs.
Le projet tombe toutefois à l’eau et, à l'automne 65, celui qui venait d’avoir 16 ans part alors de Bourgogne pour gagner la voisine Champagne, lassé de la première et de ses coups bas. En Champagne, il se met cette fois au service d’un autre grand nom français, le prince Actarius. La volonté de s’engager pour l’intérêt commun chevillé au corps, Tobias devient dès décembre commissaire au commerce du duché, curé-confesseur-maire-tribun d’Argonne et vice-duc de Champagne. Au même moment, il épouse Jujoss Kerfadec, un très beau parti qui lui offre le rang ducal, graal des graals dans la noblesse provinciale française, et d’autant plus consacré par sa propre accession au trône champenois en avril 66.
La carrière politique de Tobias semble alors être à son sommet, mais ses colères lui coûtent de précieux soutiens et le duc perd son trône après seulement un mandat, ne parvenant pas à finir sa liste tandis que ses opposants font carton plein. Le désaveu est aussi cruel que l’élévation n’était rapide, et un clou chassant l’autre, le jeune prodige revient alors en Bourgogne où l’amour du bon vin fait oublier le passé à ses bonnes gens. Hyperactif, Tobias passe de duc de Champagne en juin à maire de Dijon en octobre, avant de retrouver la prévôté en décembre 66. Sa carrière politique se fait dans le sillon du duc Alistaire, dont il fut un temps donné comme son héritier présomptif pour le trône bourguignon.
Une consécration qui n’aura finalement pas lieu si rapidement, le duc ne l’estimant pas encore prêt. Un camouflet que Tobias subit avec philosophie : il continue de servir loyalement la Bourgogne sous la duchesse Maysilee, une dévotion qui n’empêche pas les mauvaises langues d’antan de revenir à la charge. Mais sa patience, l’une de ses grandes vertus, paie enfin : le 12 avril 1468, il ceint enfin la couronne bourguignonne sur son crâne. Un mandat mouvementé, lors duquel il est contraint de prendre des décisions rapidement impopulaires à l’égard de nobles, et d’être accusé d’un traitement inégal entre un noble sanctionné et l’autre pardonné pour des mêmes faits. Injure ultime, au sein de la noblesse, que de voir un suzerain traiter différemment deux vassaux pour les mêmes faits, lui qui leur doit justice. L’affaire fait grand bruit, et justifie par deux fois le refus de son fief de retraite, comme jadis son père en Lorraine. Alistaire, devenu roi, bien que très critique envers les capacités de Tobias à gouverner pendant son mandat, finit par forcer l’octroi de ce fief de retraite si polémique.
S’ouvre alors une traversée du désert de près d’un an lors de laquelle Tobias se recentre sur des activités royales et religieuses, cette fois à Rouen. Mais l’homme est un sentimental, et le mal du pays le prend. La Bourgogne lui donne une troisième chance comme bailli en août 1469. Sa carrière ducale reprend jusqu’à l’hiver, avant d’être exclusivement royale grâce à son poste de huissier, puis prime, royal, et d’administrateur diocésain d’Autun. La passion de la politique le reprend en mars 1471, comme porte-parole puis chancelier, mais le 1er mai de la même année, Tobias abandonne tout et suit son cœur : marié au duc Raphael du Bois de Cendrecourt depuis quelques semaines, il traverse la Saône et s’installe en Savoie, terre d’une partie de sa famille adoptive paternelle.
L’ascension fulgurante d’une étoile montante savoyarde
Ce mariage entre deux hommes fait grand bruit, surtout en France, réputée pour son conservatisme intransigeant qui vaudra une crise diplomatique entre Paris et Strasbourg. Mais à Chambéry, Tobias est accueilli comme il se doit, et conformément à son nouveau rang : duc impérial consort, duc de Savoie consort, duc en Savoie consort aussi. Déjà bien loti du temps de Jujoss, il est au sommet de la pyramide nobiliaire impériale et provinciale. Son arrivée providentielle incite ses amis à de grandes libéralités à son égard : le voilà bénéficiaire de belles donations de terres qui lui permettent enfin d’avoir de grands fiefs pour lui, une juste récompense pour un homme reconnu pour sa générosité pécuniaire envers ses proches et la Savoie depuis son arrivée.
C’est que l’aristocratie francophone d’Empire sait recevoir comme il se doit ces transfuges venus de France, qui composent pour partie ses rangs et ses dirigeants. Une tradition longue depuis plus de dix ans, qui fait souvent dire aux français que les trois provinces francophones impériales ne sont que la poubelle de la France, où ses pires politiciens viennent se refaire une réputation. Cruelle méchanceté ? Quoi qu’il en soit, et comme ses semblables avant lui, Tobias devient en quelques semaines seulement une pièce motrice de la vie savoyarde. Il siège en permanence au conseil, prend en mains une nouvelle institution, la Maison ducale, s’intègre à la Hérauderie, et trouve même le temps de servir l’Empire, où son mari reprend des fonctions après son règne. Et les titres viennent avec les charges.
Mais le succès attise quelques jalousies, et voilà Tobias, alors juge, fermement repris par le Sénat dans une affaire des plus polémiques. Son jugement à l’encontre de l’archevêque de Chambéry est cassé, et le juge est vertement critiqué pour avoir violé le droit local. Une décision qui, sans doute, aura rappelé au duc ses déboires en Bourgogne. La tâche sur le CV pourtant impeccable n’entrave pas l’accomplissement du destin logique de cette carrière éclair : le trône savoyard. Non pas une fois, comme auparavant en Champagne et en Bourgogne, non pas deux, comme il est de coutume, mais bien trois fois et peut-être bientôt quatre. Peu de ducs en Savoie peuvent se targuer d’un si long règne ! Mais il faut dire que son règne est jugé comme bon, voire très bon selon ses soutiens.
Une juste considération de la part de ses pairs envers qui il ne tarit pas d’éloges non plus. Guère plus avare en compliments qu’en dons, Tobias sait reconnaître les mérites de chacun et le fait gracieusement savoir lors de ses cérémonies d’allégeance, où chacun à le droit à quelques phrases de remerciements pour son action, ses conseils, son soutien, etc. Rien ne rend jamais plus fier un homme que d’être ainsi complimenté en public. Qu’importe si, en taverne, il ne se prive pas de quelques remarques bien acerbes à l’encontre de ceux qu’il a encensés la veille, et dont il redevient soudainement laudatif le lendemain. Mais aujourd’hui, devant quelques initiés qui ne les apprécient guère, il ne les aime pas non plus et le fait savoir.
Un homme, enfin, qui veut être aimé et reconnu à sa juste valeur autant qu’il fait savoir aux autres qu’il les aime et les reconnaît. Au point d’user la duchesse dont il fut le vice-duc, et tout autant un fervent soutien auprès d’elle qu’un critique hors pair en son absence. Et dont il occupa quelques soirées à se plaindre du manque de considération qu’il recevrait de la part des autres : ses pairs sont reconnus comme excellents dans leur domaine, mais lui, dans aucun. L’homme, pourtant, touche à tout : l’économie qu’il renfloue par la générosité des riches, le droit malgré ses propres travers, la hérauderie qu’importe ses vexations familiales et nobiliaires, ou encore la diplomatie dont il manie l’art de plaire devant chacun. Mais personne ne veut le lui reconnaître, et cela le chagrine. Mais la mésaventure lorraine de son père ne lui avait-elle pourtant pas appris que les peuples étaient ingrats ? Encore faut-il apprendre du passé.
Mais il n’en a cure : la vie lui sourit, et il voit ses engagements dûment récompensés par plus de titres en un an et demi en Savoie qu’en sept ans en Bourgogne et en Champagne. Et mieux : il est acclamé par ces soutiens qui sollicitent de lui un mandat de plus, alors que l’homme songeait à laisser le trône à un conseiller. Ou peut-être à une, qui lorgnait davantage dessus que l’autre. Mais ni l’un ni l’autre n’auront eu gain de cause : sot serait celui qui refuse un trône qu’on lui propose pour une quatrième fois, même si quelques remous agitent son troisième règne.
Le Gotha Lotha, pour l'AAP agence des terres au Milieu.
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