Metz (AAP) – Au palais épiscopal de Metz, les évêques francophones du Saint-Empire comptent les moutons, tandis que les bergers ont déserté l’étable.

Dieu est dans « le murmure d’un fin silence », se plaît-on à rappeler au Saint-Siège à quiconque veut l’entendre. Et Il n’a jamais été aussi omniprésent à Rome que ces derniers mois, où le silence règne. Les rares prêtres qui fréquentent encore les couloirs du siège de l’Aristotélité sont taiseux, au point que la Ville Éternelle est devenue une chartreuse géante. Jadis, la voix des hommes de Dieu résonnait à travers le monde, et Ses serviteurs pullulaient dans nos cités et nos campagnes pour apporter la bonne nouvelle au premier péquin. Désormais, elle ne résonne guère pour autre chose que pour accomplir quelques formalités, ici un baptême, là un mariage. Sans conviction.

Depuis plusieurs mois, le Synode Francophone Permanent, dernier né de la centralisation bureaucratique du Concile Episcopal du Saint-Empire (CESE, pour les intimes), s’est lancé dans une grande oeuvre : recenser le clergé actif dans chaque paroisse. Le constat est sans appel : sur sept diocèses, trois sont pourvus d’un évêque (Aix, Arles et Toul), un d’un administrateur diocésain (Besançon) et trois n’ont ni d’évêque, ni administrateur (Chambéry, Genève et Lausanne). Pourtant, l’organe successeur du Concile épiscopal impérial francophone ne manque pas d’appeler régulièrement les volontaires à postuler pour devenir berger des brebis de Dieu.

Mais il peine à recruter. Si une candidature est reçue, c’est un miracle. Les 6 derniers mois, deux candidatures ont été reçues pour l’un des sept diocèses francophones d’Empire et de Provence, mais aucune n’a été retenue. Manque de diplôme, manque d’expérience, manque de motivation, les raisons sont légions mais les cathédrales accueillent guère plus qu’une lance. Sous couvert d’anonymat, un prélat habitué de Metz (*) témoigne : « Nos provinces se dépeuplent, nos paroisses aussi. De moins en moins de fidèles sentent l’appel de Dieu, et pour les rares intéressés à servir l’Eglise, on impose de plus en plus de diplômes. Tout en s’assurant que de moins en moins de séminaires dispensent ces enseignements ! Et quand un candidat remplit toutes les conditions, les évêques remuent Paradis et Enfer pour rejeter sa candidature, souvent parce qu’il n’appartient pas à leur clan. »

Il faut dire que l’emploi n’est guère séduisant. L’argent ne coule plus à flot : les récentes réformes financières de Rome obligent tout détenteur de deniers romains à les déclarer auprès de la Chambre apostolique et à demander l’autorisation pour les débourser, limitant l’abus de biens cléricaux à des fins personnelles. Ce qui, pourtant, était l’un des grands intérêts de l’Eglise. Et puis, entre deux messes fantômes, il faut désormais remplir tout un tas de parchemins : des bilans comptables et financiers, remplir les formulaires des registres de baptême, de funérailles et de mariage - en deux versions inversées, bien sûr -, demander l’autorisation pour s’investir en politique ou pour faire divorcer deux fidèles, et tutti quanti.

Un autre prélat (*) ironise : « Voilà qui est symptomatique de la bureaucratisation de l’Eglise. Nous sommes devenus une imprimerie géante, publiant à foison moult annonces, lois, restrictions, sans même être capable de les diffuser Urbi et Orbi. Qui voit encore passer des annonces romaines ? Et nous imposons de la paperasse à tous nos clercs, devenus simples fonctionnaires, sans avoir personne pour la traiter. Certains attendent des réponses depuis près de deux ans, sans même savoir si leur demande a bien été prise en compte. » Aristote, donne-moi la patience d’attendre, mais fais vite !

En attendant, le clergé continue de recruter. Tout volontaire peut se faire connaître auprès de Son Eminence Tymothe de Nivellus, vice-primat francophone, pour postuler à la charge d’archevêque de Besançon ou de Moustier-en-Tarentaise, ou d’évêque de Genève ou de Lausanne. Pardon, de Luxeuil, de Chambéry, de Genève-Annecy ou de Grandson, car le Saint Siège a lancé l’été dernier une vaste réforme pour renommer les diocèses en espérant les rendre plus attirants. Pour cela, il suffit d’avoir suivi et obtenu la pastorale minima, d’être baptisé, d’avoir suivi et obtenu la pastorale maxima, d’être ordonné - majeur, pas mineur -, d’avoir suivi et obtenu la licence de théologie, d’adresser ses certificats et diplômes au vice-primat, accompagnés d’un curriculum vitae et d’une lettre de motivation, et si possible d’être pasteur de la foi. Et, bien sûr, d’avoir beaucoup d’amis à Rome.

(*) les noms ont été anonymés pour préserver l'anonymat des auteurs


Un curé de campagne (*), pour la KAP agence des Terres du milieu

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