Paris (AAP) - En collaboration avec l'office de la garde-robe de la maison royale, l'AAP présente à ses attentifs lecteurs une humble revue des modes en cours à la capitale, afin de ne point paraître idiot lors des prochaines festivités du couronnement (entre autres).
Mes dames, nous avons toutes vécu un jour ce moment ô combien gênant où en paraissant à quelque mondanité, nous avons réalisé que le jaune canari si chaudement recommandé par cette couturière espagnole n'était, décidément, pas une bonne idée.
Mes sieurs, admettons-le, le collant rose et vert n'est pas vraiment étudié pour mettre en valeur votre gambette musculeuse qui, ainsi parée, rappelle une cuisse de grenouille, une patte de crevette ou encore une aile de poulet. Oui, mais c'est la mode.
Alors, peuple de France, réjouis-toi. Aujourd'hui, nous, membres de l'office de la garde-robe royale allons t'aider à ne plus jamais, jamais, commettre d'impair. JAMAIS.
Si certaines modes venues d'Espagne – ou issues de la folle imaginations d'artistes peintres trop enthousiastes – invitent les dames à porter des vertugadins pour souligner leurs capacités à enfanter, soyons clairs : ceci est une ignominie. Une dame comme il faut ne porte rien qui dénature sa silhouette ni aucune de ces créations du malin (au hasard, ce que les ignares appellent un corset) censées la restructurer. La gorge se doit d'être plate, les hanches bien rondes, la taille soulignée. Ni plus ni moins.
La première couche, à même la peau, se doit d'être une chainse sur laquelle sera superposée une chemise. Une seule couche peut suffire pour les classes les plus modestes. La surcotte, généralement plus travaillée et plus luxueuse, puisque visible, s'ajoute par dessus une cotte. La coupe la plus à la mode est à la robe dicte à la bourguignonne. La robe à tassel est une tenue à part entière : c'est une cotte à col tassel. Enfin, la silhouette est ceinturée à hauteur de la taille par un bandier, parfois très légèrement au-dessus. Point de « taille basse » et autres coupes grotesques. Les bas des jupes peuvent bien sûr être ornementés, en restant en adéquation avec son statut social. Il est, d'ailleurs, de très bon goût de rajouter une doublure de fourrure sur les manches et le décolleté quand on en a les moyens.
Sans artifice, il va sans dire que la dame se doit d'être svelte, donc reposez ce biscuit immédiatement, même si un petit ventre douillet est charmant. Oui, vous là .
Messieurs, ne vous cachez pas. Si vous êtes plus libre de vous habiller, il n'en reste pas moins essentiel de vous souvenir que les poils faciaux sont terriblement laids. Laissons cela aux barbares. Ceinturez-vous la taille, optez pour des chausses de qualité et, si vous voulez être le nouvel Adonis, n'hésitez pas à différencier les couleurs de vos jambes droites et gauches. Pourquoi ? Parce que cela veut dire que vous êtes riches, puisque vous avez les moyens de payer pour deux teintures différentes, ce qui ne devrait pas manquer d'attirer les donzelles en mal d'arg... d'amour. Par dessus, optez pour un délicat pourpoint de velours et nouez-le à vos chausses par le biais d'aiguillettes. Si vous tenez à être le plus beau pour aller danser, une nouveauté vient de faire son apparition, il s'agit du haut-de-chausses.
Concernant les matières et les couleurs, maintenant. Là encore, tout dépendra de la taille de votre bourse ou en l'occurrence de celle de votre papa/époux/amant. Les matières premières les moins chères sont la laine et le lin ; on taillera dans ces tissus les robes destinées aux moins privilégiés. Inutile de vous dire que le coton, la soie et certaines fourrures comme l'hermine sont effroyablement chères et qu'une très large majorité du peuple, gueux ou noble, ne peut se permettre de se vêtir de pied en cap dans ces étoffes. D'ailleurs, concernant les pieds… Poulaines, bottes et bottines en cuir pour les riches, sabot en bois ou en liège pour les autres, tout simplement.
Pour ce qui est des couleurs, la règle est simple. Plus la teinte est intense, plus elle aura nécessité de matière première et de main d'œuvre. Donc on ne porte pas du rouge ou du mauve pour aller ramasser les navets. Le rouge est d'ailleurs généralement réservé à une seule toilette dans notre vie : celle de notre robe de mariée. Quant au noir, inutile d'y penser. Cette couleur nécessite un budget grotesque que seule la haute noblesse et la royauté peut s'offrir ou offrir à d'autres.
Le bleu est une couleur élégante, la couleur de la royauté. On l'aime. Le vert est charmant, mais passe très très vite pour devenir une sorte de jaune répugnant, on oublie donc, sauf si on a les moyens de ne porter cette toilette qu'une seule fois. Le blanc présentera le même problème. Trop simple à crotter, trop compliqué à nettoyer ensuite. Question pratique, quoi.
Les bruns et les beiges sont du meilleur goût. Indémodables, à des prix relativement accessibles. Le rose ? C'est du rouge qui est passé, tout simplement. On dit non. Le jaune, n'en parlons pas. Couleur du cocufiage et de la trahison, à réserver aux coureuses de ramparts.
Les coiffures maintenant. Mes dames, on ne se promène pas « en cheveux ». On réserve cela aux demoiselles. Le cheveu se porte attaché et dissimulés sous une coiffe, sauf dans l'intimité. Et sauf pour la reine, mais il s'agit là de SA prérogative personnelle. Une reine fait bien ce qu'elle veut, d'abord.
On commence par une coiffe à la française, qui dégage le visage et met en valeur le front qui se doit d'être haut et dégagé, quitte à tricher en l'épilant un peu. On porte ensuite le hénin pointu, cornu ou plat. Pour les nobles titrés, la couronne est acceptable également, si les cheveux sont pudiquement noués. Pour les veuves, le voile est recommandé. Et pour les plus âgées d'entre nous, rien ne vaut une jolie barbette.
Messieurs, le chapeau se porte large et tombant. On peut éventuellement lui préférer le turban, mode lancée par feu sa Majesté Jean.
Récapitulons donc les fautes de goût impardonnables. Pas de jaune. Pas d'épaules dénudées ou de décolleté affriolant. Les jambes sont également très indécentes, en aucun cas vous ne devez les découvrir en public. Et si c'est le vent qui plaque vos jupes sur vos gambettes et les laisse deviner, c'est indécent aussi, et c'est à vous de vous débrouiller. Soudoyez les astrologues pour qu'ils vous préviennent des jours venteux à l'avance par exemple. Ou restez tranquille chez vous dans votre lit, au moins là aucune harpie de la garde-robe ne vous dira comment vous attifer.
La Garde-Robe, pour l'AAP